Pour bien commencer l’année.

Le Prince de Bénévent n’avait pas tort.

Quoi de plus rageant pour un Avocat que de constater que l’application par la Cour de Cassation de « principes » contraires à ce qu’il croit juste peut être d’une constance sans pareille.

Ainsi, la première chambre civile, pendant des années, a considéré que l’action en cessation d’agissements illicites initiée par les associations de consommateurs ne pouvait prospérer dès lors que l’agissement en question avait cessé.

Certes, cet agissement, telle une publicité, était bien contraire à la Loi.

Certes, les conditions générales du contrat diffusé sur la France entière foulaient gaillardement des dispositions d’ordre public du Code de la Consommation.

Oui, mais voilà… si l’agissement en question cessait postérieurement à l’introduction de l’instance, la Cour suprême considérait que l’action, initialement recevable, devenait sans objet puisqu’il n’y avait plus lieu de faire cesser cet agissement qui n’existait plus.

Pire.

Le principe même de la réparation des préjudices causés à la collectivité (ceci n’est pas un gros mot) des consommateurs par de telles pratiques avait tendance à passer par la même trappe.

Appliquons, pour le plaisir, ce principe à d’autres hypothèses :

Je vous dérobe votre voiture et vous la restitue dans huit jours : il n’y a pas de vol puisque je vous l’ai rendue.

Je vous agonis d’injures, puis, un mois après, je vous envoie une lettre vous priant de bien vouloir ne pas en tenir compte.

Je ne vous ai pas injurié, puisque je me suis excusé, etc…

Ceci est très agaçant.

Ainsi donc, pas de réparation pécuniaire ni matérielle, telle la publication de la décision constatant l’illicéité, afin d’en informer les consommateurs.

D’aucuns, s’inspirant donc du diable boiteux, se sont patiemment attachés à s’appuyer sur ce principe, histoire de s’assurer qu’il n’était pas possible de le faire céder, comme d’autres…

Las, il faut reconnaître qu’à force d’appuyer, il a un peu craqué, s’est mollement désolidarisé (vive les juridictions du premier degré !) mais aucun coin n’a pu être valablement et durablement inséré dans l’édifice.

Après tout, entendait-on, pourquoi n’allez-vous donc pas devant la juridiction pénale ? Elle reconnaîtra bien l’infraction, sous une autre forme, et réparera les préjudices en résultant.

Juridiquement, le raisonnement est exact.

Pour autant, est-ce à une association de consommateurs de mettre en oeuvre le déclenchement des foudres pénales ?

Pourquoi devraient-elles se substituer aux substituts ou à la DGCCRF ?

Pourquoi doit-elle être tenue de verser une consignation ?

Ainsi donc, pour prendre l’exemple d’une clause abusive inséré dans un contrat proposé par un professionnel du crédit et qui aura été distribué à des dizaines de milliers d’exemplaires, si ce n’est plus, il suffira, à l’audience, benoîtement, d’indiquer que la clause a été supprimée et qu’elle ne sera plus diffusée.

Et le tour est joué.

La clause va demeurer dans les contrats passés.

Les heureux signataires de l’offre de crédit ne sauront rien, ni de son caractère illicite, et se la verront potentiellement opposer en toute impunité.

Enfin, rien n’interdira, l’instance judiciaire achevée, de… réintroduire la clause, vaguement modifiée, avec la plus haute bénédiction judiciaire.

« A têtu, têtu et demi » dit le breton.

A cet égard, c’est un ministre brestois qui a touché/coulé dans la rade parlementaire le principe défendu par la Cour de Cassation.

Deux tout petits alinéas ont été ajoutés en 2014 à deux articles du Code de la Consommation.

Dorénavant, le « formidable » raisonnement juridique qui consistait à commettre la faute, puis à s’en absoudre pour éviter la sanction, ne tient plus.

Le Juge peut, désormais, déclarer une clause non écrite dans tous les contrats identiques conclus avec des consommateurs par un professionnel et ordonner à celui-ci d’en informer ceux-ci par tous les moyens appropriés, y compris si cette clause ne figure plus dans les nouveaux contrats distribués.

On se plaira donc bien à penser, avec l’ancien Evêque d’Autun, qu’à force de s’appuyer sur des principes, on contribue, un peu, à les faire céder.

N’oubliez pas : en 2015, faites-vous défendre.