Le droit de la consommation français est très largement issu du droit européen.

Le législateur transcrit régulièrement des directives européennes visant à harmoniser les droits nationaux matière par matière.

A ce titre, le droit français a intégré une directive visant à lutter contre les pratiques commerciales déloyales.

Elles se définissent comme des pratiques contraires aux exigences de la diligence professionnelle lorsqu’elles altèrent ou peuvent altérer, de manière substantielle, le comportement économique des consommateurs vis-à-vis du bien ou du service proposé par des professionnels.

Des listes précises de pratiques déloyales figurent au Code de la consommation.

Il peut s’agir, notamment, d’informations trompeuses, par action ou par omission, quant à l’existence, aux caractéristiques du produit en question, mais aussi ses avantages, ses risques, son origine, sa livraison, le prix ou le mode de calcul de celui-ci, les conditions de résiliation, etc.

La Cour de Justice de l’Union Européenne a eu l’occasion, en ce mois d’avril 2015, d’apporter des précisions importantes sur les contours de ces pratiques et sur la possibilité de les réprimer.

Le cas soumis à la Cour était celui d’un consommateur (hongrois) qui, abonné à un service de télévision par câble, souhaitait résilier son abonnement pour en souscrire un autre auprès d’un concurrent.

Pour ce faire, il interrogeait le fournisseur à réception de sa dernière facture qui ne comportait pas de date quant à la période concernée par celle-ci, afin de pouvoir ajuster la date de résiliation à la période en question pour ne pas avoir à régler plus.

Ledit prestataire lui indiqua une date.

Le consommateur résilia donc son abonnement pour cette date.

Un mois plus tard, il se voyait demander un paiement complémentaire au motif que la résiliation n’avait été effectuée que… 4 jours plus tard.

Le litige portait sur une somme de 5.243,00 forints hongrois, soit, tout de même, 17,55 €…

Mais le consommateur n’était pas décidé à se laisser faire et déposa une plainte.

La juridiction saisie considéra que le consommateur avait été victime d’une pratique commerciale déloyale et condamna le fournisseur à l’indemniser de son préjudice et à une amende pénale.

S’en suivit un appel, qui confirma le Jugement, puis un pourvoi devant l’équivalent de la Cour de Cassation hongroise qui a donc saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne pour recueillir son éclairage sur plusieurs points de la directive, telle qu’intégrée en droit hongrois.

Au rang de ceux-ci, il était exposé qu’il n’était pas avéré que d’autres consommateurs hongrois avaient été «victimes» de tels agissements consistant en la fourniture d’informations erronées quant au mode de résiliation du contrat.

En conséquence, la question était de savoir si une telle pratique, peut-être, unique pouvait bien être qualifiée de pratique commerciale déloyale, alors que cette notion peut apparaître comme relative à une pratique habituelle et constante.

La Cour de Justice répondit que, d’une part, la directive ne fixait aucun seuil d’application, que ce soit en termes de fréquences ou de nombre de consommateurs concernés et, d’autre part, qu’il ne pouvait être question de faire peser sur le consommateur la preuve que d’autres que lui avaient été victimes (ce qui est effectivement difficile).

Elle conclut enfin que le fait que la pratique en question soit ou non intentionnelle était dénué d’intérêt, tout comme le fait que le consommateur ait ou non subi un préjudice matériel (en son principe ou en son montant).

En définitive, une telle pratique commerciale doit bien être considérée comme trompeuse, même si elle ne concerne qu’un seul consommateur.

Pratiquement, puisque cette décision s’impose aussi aux Juges français, il s’agit bien d’une avancée majeure pour les consommateurs qui se voient soulagés du poids de la preuve du caractère intentionnel de la tromperie et de la démonstration de l’existence d’autres victimes.

Cet arrêt permet, en outre, au consommateur de se rapprocher d’une association de consommateurs qui pourra l’appuyer dans son action et rechercher la réparation de l’atteinte occasionnée à l’intérêt collectif des consommateurs par de telles pratiques.

Même pour 17,55 €, n’hésitez pas : faites-vous défendre.