Le cas soumis en mars dernier à la Cour de Cassation est on ne peut plus classique : un jeune couple non marié avec un enfant à charge et des revenus (modestes et non assurés dans le temps) accepte deux crédits immobiliers auprès d’un établissement bancaire.

De par leur simple souscription le taux d’endettement du couple passe à 51 %, soit bien loin de ce qui est communément considéré comme acceptable.

Quelques échéances de l’un des prêts sont payées, l’autre prêt bénéficiant d’une période de différé d’amortissement, puis très rapidement l’impossibilité de rembourser est avérée.

L’un des membres du couple qui exerçait une activité en son nom personnel est placé en redressement judiciaire, sa compagne est assignée en paiement du solde des crédits consentis.

Considérant à très juste titre que la Banque avait manqué à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde à son égard la débitrice s’opposait aux demandes de la Banque.

Il est acquis, en effet, que le banquier accordant un crédit doit s’assurer de ce que le candidat emprunteur sera à même de le rembourser en vérifiant attentivement ses capacités de paiement et en le mettant, le cas échéant, en garde sur les risques démesurés d’endettement encourus et sur les conséquences d’une impossibilité d’honorer les échéances du prêt, voir lui refuser ce crédit.

A défaut, le Banquier engage sa responsabilité.

En l’espèce sa faute ne faisait aucun doute puisqu’il était prévisible qu’au premier accident de la vie les prêts ne pourraient plus être remboursés et qu’au demeurant le Banquier avait été on ne peut plus léger quant à la vérification des ressources actuelles et prévisibles des candidats acquéreurs.

Ceci posé, quelle est la sanction de cette faute ?

La Cour d’Appel qui avait eu à connaître de l’affaire avant la Cour de Cassation a bien retenu la faute de la Banque et a considéré qu’elle avait causé un préjudice à la débitrice qui pouvait être évalué à hauteur de la différence entre le montant de la demande en paiement de la Banque et la valeur du bien telle qu’estimée par un expert.

L’idée sous-jacente de la juridiction était que la débitrice, une fois la maison vendue, ne serait tenue de rien d’autre envers la Banque puisqu’il s’avérait que ladite maison valait moins que la créance de l’établissement de crédit.

Ce n’est pas parce que ce raisonnement paraît « se tenir » qu’il est juste, dit en substance la Cour de Cassation.

Celle-ci considère, en effet, que le manquement de la Banque à son obligation de conseil et à son devoir de mise en garde causait certes un préjudice mais que celui-ci s’analysait en une perte de chance pour la débitrice de ne pas acquérir le bien en question avec ce crédit ou de l’acquérir avec un autre type de crédit plus adapté à ses capacités financières.

Dès lors, le préjudice ne peut être équivalent à la différence entre le montant de la créance de la Banque et la valeur de la maison.

Ceci dit, la Cour de Cassation ne détermine pas à combien s’évalue cette perte de chance ce qui est parfaitement logique puisqu’il ne s’agit pas de son rôle, celui-ci étant dévolu à la nouvelle Cour d’Appel qui devra rejuger cette affaire.

Cette Cour, dans l’exercice souverain de son pouvoir d’appréciation, devra rechercher ce qui est évidemment tout sauf aisé l’ampleur de cette perte de chance de ne pas contracter ce qui déterminera le montant de la créance de la banque vis-à-vis de la débitrice et réduira d’autant les sommes à devoir par la seconde à la première.

La seule limite existante résulte du fait, qu’en toute hypothèse, la réparation de cette perte de chance ne peut être égale à la valeur de la chance si elle s’était réalisée.

Dans une telle situation, face à la technicité du sujet, n’hésitez pas à vous faire défendre.